3ième partie
L'Initiation druidique ou mythe pré-celtique avec sa trilogie ou mouvement trinitaire représenté par le Triskell, semble incorporer l'histoire de Mélusine comme un simple un chapitre d'une très ancienne cosmogonie. Elle résume une réalité à la fois cosmique et terrestre, la réalité de notre condition, réalité qui inclut le désastre (la fin) comme partie intégrante du cycle.
Et oui l'histoire de Mélusine débute et finit par un "désastre". Juste avant de rencontrer Mélusine, Raymondin tue accidentellement son seigneur, le comte de Poitiers avec qui il faisait une chasse.
Avec la disparition de Mélusine, le cycle est ainsi bouclé, d'un désastre à l'autre,d'un cycle à l'autre.
Important :
Bien que la lune comporte 4 quartiers, il n'y a en fait que 3 phases véritables, trois expressions de l'énergie lunaire. Un peu comme en alchimie on ne retient que 3 phases principales, alors qu'il y en a 4 évidentes (noir, blanc, jaune, rouge puis même pourpre) et d'autres intermédiaires.
Ce mouvement trinitaire, que les celtes représentaient par le Triskell, la roue à trois branches est aussi l'équivalent de la trilogie hindoue du Brahman (création), de Vishnu (préservation) et de Shiva (destruction).
C'est cette même trilogie que l'on retrouve dans la triplicité du zodiaque :
-les signes cardinaux,
-les fixes
-et les mutables.
Le mythe, s'affirme comme la conjonction et la rencontre ou l' union providentielle de :
-sources de prospérité et de bonheur,
-d'un humain et d'un personnage féerique, venu de l'autre monde.
- d’un être hybride entre deux natures, caractérisé par un signe physiologique, situé le plus souvent dans la partie inférieure du corps.
- l'inévitable transgression d'un interdit, qui prive le héros de tous les bienfaits dont il a pu bénéficier.
Mélusine, de son côté, désire partager la condition humaine, devenir, selon les mots de Jehan d'Arras, une "femme naturelle".
Avec l’aspect particulier du christianisme qui marque la fin du XIV siècle, l'être féerique a besoin des hommes pour existe et ainsi pouvoir espérer le salut,L'homme devient égal sinon supérieur aux divinités de la basse mythologie.
Cette "humanisation" est une étape nécessaire car tout se passe comme si la femme divine ne pouvait rien mettre en œuvre sans le bras d'un mortel. Cette grande déesse isolée, équivaut au néant.
C'est par le mariage que les fées mélusiniennes accomplissent leur humanisation et c'est aussi symboliquement près d'une fontaine, par-delà l'eau, que ce passage s'opère.
Simultanément fée et femme, humaine et serpente, chrétienne et diabolique, mère et amante, bâtisseuse et destructrice, bénéfique et maléfique ... Mélusine est la déesse qui s'est faite femme. La Déesse-Mère primordiale qui entre dans l'histoire humaine, avant de redisparaître dans les cieux, faute d'avoir été acceptée par les hommes.
Elle demeure l'antique divinité déchue, que l'on n'a pourtant jamais vraiment cessé de révérer : la toute-puissante Nature, celle qui a comblé les hommes de ses dons.
A ce sujet évoquons le début de l'Evangile de Jean :
"La lumière vit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue ... Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l'a point connue. Elle est venue chez les siens, et les siens ne l'ont point reçue".
Mélusine reste la divinité inaccessible, qui ne doit et ne peut être vue en tant que telle, mais uniquement au travers de ses manifestations, de son huminisation. La divinité qui ne peut être révélée aux non-initiés. La divinité des mystères, à la fois déesse de vie et déesse de mort, qui donne accès à la connaissance suprême. C'est toute l'alchimie en somme, pulsion de vie et pulsion de mort.
C'est une façon de comprendre le double interdit qui frappe Raimondin :
-ne pas la voir telle qu'elle est le samedi, dans sa véritable nature.
-Et surtout, puisqu'il est personnellement prêt à accepter cette vérité, ne pas la divulguer aux profanes : le mystère implique le sacré, le secret.
Mélusine est de toute façon une divinité des eaux souterraines, de la terre et que hantent les vouivres et les serpents.
Elle est un un symbole toujours d'actualité en incarnant l'androgyne primordial, l'Homme tel que Dieu l'a initialement créé, " à son image.
Dans toutes les traditions, nous avons des femmes, des hommes ou des animaux à queue de serpent :
-Erechtée le défenseur d’Athènes
-Eros parfois représenté ainsi, déesse de l’agriculture et de la civilisation des Sumériens
-Nommo le dieu des Dogons du Mali,;
-les nâginis du Népal et de l’Inde…
-Tout dernièrement il a même été découvert chez les Méroïtes ( pyramides royales du soudan) un dieu indigène de la fertilité à tête de lion et corps de serpent, datant de 240 ans avant JC.